Ma lettre ouverte à Monsieur Sarkozy, expédiée ce jour au Palais de
l'Elysée Le 22 Octobre 2010
à Monsieur Nicolas Sarkozy
Président de la République Française
Palais de l’Elysée
Paris
Monsieur Sarkozy,
Je vous écris cette lettre pour vous faire part de mes impressions de citoyenne.
Je vous écris tout en doutant fort que cette lettre parvienne jusqu’à vous.
Peut-être au mieux sera-t-elle lue par l’un ou l’autre de vos assistants, au
pire finira-t-elle sous un tas de courriers « non importants » à oublier
d’urgence… Mais je vous écris Monsieur, parce que je doute de vous, de votre
gouvernement, de mon pays.
Je ne suis rien ni personne. Ni nom connu, ni rang social important… Je ne suis
qu’une femme de 39 ans, mariée et maman de deux enfants, un troisième bébé
annoncé pour la fin de cette année. Je mène une vie modeste, avec de minces
revenus. Mais je suis pourtant heureuse de ma vie, de mon quotidien, parce que
je sais que je possède une richesse précieuse : ma famille, mes amis, mon
« clan ».
Pourtant, j’ai peur. Une peur qui me fait mal, m’angoisse. Peur de l’avenir, le
mien évidemment, celui de mes enfants en particulier.
Monsieur le président, savez-vous que vous êtes en train de transformer notre
république, tellement enviée autrefois des autres nations, en un état
d’intolérance, de mépris, et de misère ? Monsieur Sarkozy, je ne vous crois pas
stupide, je ne vous crois même pas méchant…
Je pense sincèrement que vous aviez toutes les aptitudes à devenir un bon chef
d’état. Mais vous avez oublié dans votre course effrénée vers le pouvoir que
vous étiez un être humain. Vous avez oublié l’humanité. Celle qui souffre, celle
qui doute, celle pour qui le quotidien est difficile, douloureux, et incertain.
Vous avez oublié Monsieur Sarkozy que vous êtes au service de ces citoyens là
autant que de ceux qui ont l’argent, le pouvoir et la bêtise de penser que les
fainéants qui sont dans la misère le méritent et qu’ils n’ont qu’à se trouver du
travail… Monsieur Sarkozy, vous avez oublié que vous avez remporté la victoire
aux présidentielles non pas parce que vous étiez le meilleur, ou le plus fiable,
mais parce que vous étiez pour une majorité « le moins pire ». Vous avez eu de
la chance de ne pas vous trouver face à un candidat charismatique qui vous
aurait évincé sans difficulté. Et oui Monsieur le Président, vous avez
bénéficié de la pauvreté du paysage politique français…
Et qu’avez-vous fait ??
Vous avez trahi votre propre parole en agissant à l’inverse de vos propos….
Votre gouvernement est constitué de personnes en qui les français n’ont pas
confiance…. Et pour cause ! Certains de vos ministres sont clairement
incompétents ou menteurs voir les deux… D’autres se préoccupent plus de leur
image que de leur charge. Et dans l’ensemble, il semble qu’aucun ne connaissent
la réalité quotidienne des citoyens pour lesquels ils prennent des décisions
catastrophiques…
Que penser de vous au milieu de tout ça ?
J’ai l’impression que vous n’êtes qu’un enfant qui ne veut pas lâcher son
jouet…. Plusieurs de mes compatriotes seraient prêts à vous guillotiner si la
possibilité s’offrait à eux… Parce que vous donnez l’impression de n’être que
mépris et suffisance. Vous décidez de ce qui est bon pour le peuple sans même
entendre ce peuple vous crier à l’aide. Comme un petit monarque, pas comme un
représentant du peuple élu en démocratie. Vous refusez la concertation et prenez
des airs de patriarche embarrassé pour expliquer que vous n’avez pas le choix….
Il faut agir, dites-vous, il faut punir, il faut que vous assumiez votre
responsabilité de chef de l’état…. Parlons-en….
Pensez-vous réellement que votre responsabilité nécessite de retourner la
situation en prétendant que si vous utilisez la force ce n’est qu’en réponse aux
agissements de « ces voyous » qui dans l’esprit étriqué de votre « bon public »
ne sont autres que ceux qui OSENT manifester leur mécontentement? Le peuple
français est en colère. Jeunes, moins jeunes et vieillards sont en colère.
Hommes, femmes confondus, le peuple veut être entendu. Vous refusez de
l’entendre : il manifeste. Il fait grève. Et bien entendu cela engendre des
conséquences dont VOUS avez la responsabilité pour ne pas avoir pris en
considération que ce peuple pour qui vous décidez n’est pas d’accord avec vous…
Mais je l’admets, vous êtes très fort. En vous regardant, il est possible de
penser que vous êtes réellement affligé par la situation. Vous maniez à
merveille le langage non verbal ! Tout y est ! Les attitudes, le regard, le
hochement de tête. Je comprends que certaines personnes se laissent amadouer par
vos promesses et votre pseudo désarroi…
Mais le problème, c’est que vos actes reflètent le contraire de ce que vous
dites...
Comment avoir confiance en vous ? Sauriez-vous me donner ne serait-ce qu’une
seule raison objective de vous faire confiance pour l’avenir ?
Monsieur Sarkozy, je ne veux pas de votre réforme. Elle est mauvaise. J’ai
conscience qu’une réforme est indispensable, mais pas celle-là. Voilà pourquoi,
de mon point de vue, cette réforme est une aberration : quand on est une femme
au chômage, c’est difficile de rebondir. Surtout quand on frôle la quarantaine,
et que l’on est maman. Comme une majorité de femmes, je n’ai pas fait de hautes
études, mais j’ai un niveau correct, qui me permet de prétendre à un métier
valorisant et intéressant. Le seul problème : il n’y a pas de travail. Au mieux
des CDD, à temps partiel. Des salaires au smic ou à peine plus élevés. Et entre
deux des périodes de chômage. J’ai même tenté de créer mon entreprise, afin de
créer mon propre emploi. Mais je n’avais pas les fonds nécessaires, à
l’aboutissement de mon projet. Il existe bien quelques associations qui offrent
des prêts alléchants, à condition de pouvoir apporter certaines garanties de
remboursement, et un apport. Je ne pouvais pas. Avec mes 700 euros d’ARE
mensuels, impossible de mettre de l’argent de côté ! Donc pas d’apport…
Garanties de remboursement ? C’est être certain de pouvoir honorer les échéances
de prêt en temps et en heure. Pour cela, il faut être certain que l’affaire
démarre rapidement et qu’elle fasse vite des bénéfices. Impossible de prendre
le risque quand on n’a rien derrière pour assurer « l’alimentaire ».
Mon mari est au chômage. Bac+5, plus de 10 années d’expérience comme manager et
directeur de magasin. Et puis tout à coup : le magasin ferme parce que les
loyers pratiqués par le centre commercial sont trop élevés. Plus de travail. Et
le cercle infernal commence. Mon mari fait partie de ces personnes à qui l’ont
dit gentiment : « vous êtes trop qualifié ». Ensuite, les mois passent, et là
les réponses à ses candidatures se font négatives ou absentes : sorti du
circuit. Et puis le compteur tourne, 35 ans ça commence à faire « has been ».
Mon mari qui possède deux licences et deux maîtrises, d’excellentes notions de
psychologie et de sociologie a donc passé les tests de recrutement pour le Pôle
Emploi. Il a fait parti des meilleurs candidats, avec d’excellents résultats. On
lui avait prédit un emploi rapidement… Il y a de cela plus d’un an. Il a entre
temps redéposé des candidatures, contactés les responsables du recrutement, etc…
Rien. Par contre il est « suivi » au pôle emploi par un conseiller qui a passé
les tests en même temps que lui, qui est incompétent (il ne connaît pas ses
dossiers, ne parvient pas à joindre par téléphone de potentiels employeurs), et
fait preuve d’un manque significatif de dynamisme et de réalité.
Mon mari et moi allons devoir « travailler » jusqu’ à quel âge ?? Sachant
qu’actuellement il nous est impossible de travailler. Ce n’est pas le fait de
notre volonté, mais bien d’un système qui dysfonctionne…
Je vais accoucher prochainement. Mon troisième enfant. J’ai été contrainte de
mettre mes ambitions professionnelles de côté par deux fois. Cette fois, je suis
au chômage, et je prendrais ce congé parental auquel j’ai droit puisque j’ai
travaillé suffisamment ces cinq dernières années. Et ensuite ? Trouverai-je un
emploi ? Avec une enfant en bas age…
Faut-il que les femmes choisissent d’avoir une famille ou une retraite ?
Faut-il que mes enfants fassent des études ou doivent-ils plutôt trouver un
travail précaire pour commencer à cotiser ? Les jeunes ne sont pas tous des
fainéants Monsieur Sarkozy, la majorité d’entre aux a de l’ambition, des rêves
des projets. Combien d’entre eux auront la possibilité d’y arriver ? Combien de
parents pourront prétendre soutenir financièrement leurs enfants pour leurs
études ? En ce qui me concerne, j’ai des doutes. Mon fils aîné souhaite devenir
neurologue… Dois-je lui suggérer de préparer un BTS Action commerciale par
sécurité et soucis d’économie ?
Le commerce… Il nous a pris notre âme. La consommation est devenue une
religion : je consomme donc je suis. Je paie donc je vis. J’ai de l’argent donc
on me respecte…
Et c’est cela que vous représentez Monsieur Sarkozy, le pouvoir de l’argent.
Chacun sait que le gouvernement n’est rien d’autre qu’une façade. Le pouvoir, le
vrai, est celui des financiers. Une banque est en faillite à cause de
l’incompétence de ses dirigeants ? L’état paie. Les contribuables paient. Un
commun des mortels est à découvert ? La banque le punit, le ponctionne, et
l’état en fait un hors-la-loi. Vous trouvez ça juste ? Moi Pas !
Voilà dans quel monde nous vivons : le Pôle Emploi ne fait pas un travail
d’accompagnement mais de contrôle, la CAF sait toujours quand elle a fait une
erreur en SA faveur, mais reconnaît très rarement s’être trompée en la faveur
de l’allocataire, la CPAM dysfonctionne, parce que les services sont mal
organisés, et cela a un coût que les assurés paient en se voyant moins bien
remboursés, les administrations dépensent des fortunes en frais de
fonctionnement, ou en emplois injustifiés (allez donc visiter une mairie
incognito et vous constaterez que vous avez sur 10 personnes, au moins deux
personnes qui n’ont rien à faire !), l’éducation nationale est un gouffre parce
que les établissements scolaires sont mal gérés, les frais mal répartis (le
contrôle des absences, par exemple, coûte une véritable fortune en appels
téléphoniques souvent inutiles et en courriers dont le retour est quasi
inexistant !), les problèmes d’insécurité : pendant que votre gouvernement a
stigmatisé les Roms pour faire croire à une action en profondeur pour le
bien-être des français, on lit chaque jour dans la presse que la délinquance
est loin d’être en baisse, que les « grands bandits » sont à présent équipés
d’armes lourdes… Ce que fait police : elle verbalise les automobilistes, ou
expulse une maman et son bébé d’une crèche… Splendide !
Je pourrais citer aussi les administrations en général chez qui il faut se
déplacer à trois voire quatre reprises pour faire enregistrer un changement
d’adresse, et qui malgré cela se trompe encore et toujours, ou égare simplement
les documents que l’on dépose dans leur boîte aux lettres. INCOMPETENCE
pourtant rémunérée par les contribuables.
Le coût de la vie, le chômage, la peur de l’avenir sont autant de choses qui
plombent le moral des français.
Et cerise sur le gâteau : vous nous demandez à nous, le peuple grâce à qui vous
occupez actuellement le confortable statut de chef de l’état, d’accepter de nous
serrer encore et toujours la ceinture pendant que vous, vos ministres et en
règle générale les personnes qui « travaillent » à un quelconque degré du
gouvernement, refusez simplement de vous soumettre à un régime de retraite que
vous imposez aux autres ? Que vous ou Monsieur Chirac perceviez à la retraite
des sommes de 25000 à 30000 euros pour quelques années de service pour lesquels
une majorité de français vous aurait licenciés sans indemnités est scandaleux.
Que les sénateurs perçoivent des salaires aussi élevés sans avoir à justifier de
résultats : honteux. Que les frais de fonctionnement alimentaires ou logistiques
des grandes administrations soient aussi exorbitants alors que tous les ans les
Restos du Cœur nourrissent grâce aux dons et aux bénévoles des milliers de
personnes, je trouve cela d’une gravité et d’une injustice sans nom.
Qu’il existe en France, des familles qui vivent sous le seuil de pauvreté tandis
que vous continuez à décider que votre salaire est plus important que les aides
aux familles démunies me donne la nausée.
Monsieur Sarkozy, je ne veux plus de vous comme Président de la République. Déjà
avant je ne voulais pas. Mais là, je n’en peux plus de constater chaque jour à
quel point vous et vos ministres vous moquez des gens comme moi.
Je sais pertinemment que cette lettre est encore moins qu’une goutte d’eau dans
l’océan.
Pourtant j’insiste, je vous demande de regarder par la fenêtre et de regarder la
France comme elle est : en colère, inquiète. Ne faites plus semblant Monsieur le
Président de savoir ce qui est bon pour les citoyens. Vous ne savez pas. Vous
avancez à tâtons en ayant comme principal souci de passer pour un bon élève aux
yeux de l’Union européenne. Vous voulez faire croire aux grands de ce monde que
vous maîtrisez votre sujet, et que votre gouvernement gère la situation. Vous
voulez faire croire que vous êtes un « CHEF » qui de sa main de fer prend de
bonnes décisions. Vous voulez faire croire que les manifestants ne sont qu’une
minorité, alors qu’en réalité il existe quantité de personnes qui n’ont pas
manifesté ou fait grève par peur : peur de perdre leur boulot, peur de perdre
trop d’argent sur un salaire trop maigre et de devoir en payer les conséquences
le mois prochain, peur des réactions violentes et injustifiées de la police (un
gamin de 16 ans qui est blessé au visage par un Flash Ball c’est anormal, on ne
répond pas à des jets de pierre avec des armes, surtout quand on est CRS et que
l’on doit donc être en mesure de savoir réagir et maîtriser une bande de gamins
en colère !).
J’ai peur. Je suis en colère. Je vous renie en tant que Président de mon pays,
j’encourage toutes les personnes de bon sens à ne pas voter pour vous en 2012,
et je rêve qu’un instant de lucidité vous fasse annoncer « je démissionne ».
Mais je sais, ce n’est qu’un rêve, sachant que l’espoir fait vivre, j’ai bien
peur que nous ne soyons très nombreux à ne plus vivre que dans l’espoir d’un
jour meilleur, où vous ne serez plus le chef de notre état, que vous ne serez
plus le petit monarque méprisant.
Cette lettre Monsieur Sarkozy, est une lettre ouverte, que je ne manquerai pas
de publier sur le net, ce n’est que mon avis, mes sentiments, mes impressions,
mais je suis persuadée que beaucoup de mes concitoyens se retrouveront dans mes
doutes, ma colère… Il n’y a dans cette lettre ni insulte, ni menace, ni haine,
je tenais seulement à exprimer ma tristesse.
Rêvant que cette lettre saura trouver son destinataire, je vous prie d’agréer
Monsieur Sarkozy, mes sentiments les plus tristes.
Séverine Flinois
